Source : http://www.lnc.nc/article/pays/le-caledonien-du-jour-j
"Dans son état civil, on ne trouve traces que de sa naissance : le 9 août 1914, à Nouméa. Jean Pinelli http://www.francaislibres.net/liste/fiche.php?index=90985 n’a donc pas encore trente ans, quand, le 6 juin 1944, il s’élance sur la passerelle de la barge n° 527. Face à lui : « Sword Beach », la plage de Colleville-sur-Orne, que foulera une partie des 150 000 soldats alliés débarquant en Normandie ce matin-là. A ses côtés, le 1er Bataillon de Fusiliers Marins Commandos, seuls représentants de la France dans l’opération, dont Jean Pinelli a pris en charge l’entraînement. Les désormais célèbres « commandos Kieffer » s’illustrent dans la bataille, et en paient le prix : avant la fin de la journée, 10 d’entre eux sont tués, 34 gravement blessés. Jean Pinelli est de ceux-là. Dès le début de sa course vers la plage, un tir de mortier l’atteint aux jambes et au bassin. Sa guerre pour la France Libre, entamée quatre ans plus tôt, se terminera dans un hôpital britannique.
Kanak. Reste que, comme l’attestent les témoignages de ses anciens camarades, celui qu’on surnommait « le Kanak » a été une des pièces maîtresses du commando. Et, à moins que ne sorte de l’oubli un autre « oiseau rare des îles », comme le distinguait sa hiérarchie, il est le seul Calédonien à avoir pris part au débarquement. Pourtant, l’homme est inconnu sur sa terre natale, et les informations sur sa première vie, celle d’un jeune professeur de culture physique nouméén, sont rares. Les archives du lycée Lapérouse, où il aurait enseigné, ne remontent pas jusqu’aux années trente, et Pinelli, enterré en Angleterre, n’a pas de descendance connue sur le Caillou. D’après l’historien Stéphane Simonnet, le jeune homme est engagé, dès le début de la guerre, dans l’infanterie coloniale, avant de recevoir une formation de fusilier. Certains le voient combattre en Belgique, d’autres en Afrique du Nord. Seule certitude : il choisit la France Libre dès août 1940, et le mois suivant, à l’âge de 26 ans, il combat la marine de Vichy lors de l’Expédition de Dakar.
Instructeur. Blessé, probablement à l’occasion d’un parachutage, Jean Pinelli entame une longue convalescence au camp anglais de Camberley. C’est là qu’il sera mis en contact avec Kieffer, qui cherche à constituer son bataillon. Nommé adjoint du commandant le 29 janvier 1942, le jeune homme au physique d’athlète, distingué par son enthousiasme et son accent « plus que néo-calédonien », fait partie des premières recrues. « Pinelli devint pour moi un aide instructeur de premier ordre » écrit Kieffer dans son « Béret Vert ». Recrutement, armement, instruction militaire « dans une discipline de fer » dans les Highlands écossais… Pinelli a la confiance du commandant tant à l’entraînement que sur le terrain : le soir de Noël 1 943 il fait partie des parachutés du « raid d’Etretat ». « C’est à cette époque qu’il épouse Molly, jeune veuve, mère d’une petite fille, dont le mari, pilote de la RAF avait été descendu en mai 1940 », note la revue France Libre. Le 5 juin, le commando se voit notifier l’imminent débarquement. Quelques minutes après l’ouverture des barges, « la passerelle a déjà éclaté sous un obus, relate un combattant, Pinelli est blessé, Dumenoir tué net, Vourc’h a roulé à 30 mètres ». Après son évacuation Jean Pinelli passe de longues années à l’hôpital. Sa retraite militaire est plus que discrète : à peine sait-on que, malgré ses séquelles, il restera fidèle à sa vocation sportive. Installé avec ses deux filles en Angleterre, comme de nombreux membres du commando, il aurait organisé de nombreuses compétitions adressées aux handicapés. Jean Pinelli s’éteint à Brighton le 19 juillet 1993. Chevalier de la Légion d’honneur, il n’a jamais cherché à se faire connaître auprès des anciens combattants, ni sur sa terre natale, la Nouvelle-Calédonie qu’il a, note la Maison des anciens combattants, « honorée en Normandie ».
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